Les années 60


En 1961 et 1962, à l'Ecole des Beaux Arts de Bourges, j'ai suivi les cours de sculpture de Marcel Gili. C'était un homme fort, souriant, passionné, imposant. Je l'admirais, sans savoir qu'il portait en lui son maître Aristide Maillol, ainsi que Henri Laurens, Robert Delaunay, Ossip Zadkine, Fernand Leger, Albert Gleises, Raoul Dufy, Max Jacob, Le Corbusier, Jean Cassou, Auguste Perret, avec qui il avait fondé, sous l'égide du peintre Saint-Maur, l'association artistique d'« Art Mural » en 1935.
Après quelques années passées aux Beaux-Arts, je me retrouvais, comme beaucoup de peintres de cette époque, traînant à Saint-Germain-des-Prés. Comme Montmartre en 1900 et Montparnasse en 1925, Saint-Germain était le quartier en ébullition dans les années 60. Avec quelques amis rencontrés aux Beaux-Arts, je refaisais le monde artistique de bistrots en chambres de bonnes.
Nous pensions que l'Art était partout et à la portée de tous. L'idée nous semblait plus importante que le résultat. Les idées, nous en avions 10 par jour. Certaines aboutissaient, d'autres, beaucoup d'autres, jamais. Ces réalisations finissaient en feu, ou bien sur le trottoir, attendant la benne à ordures. Car ces « oeuvres », dans nos esprits, n'étaient pas faites pour durer.
L'Art Contemporain, qui ne s'appelait pas encore ainsi, avait déjà pris une place énorme et s'imposait parmi la création, entre le Pop'Art, l'Art cinétique et autres mouvements. Nous avions du mal à exposer, et d'ailleurs n'étions pas vraiment à la recherche d'une galerie.
Au bout de quelques années, cette manière d'aborder la création nous entraîna, bien sûr, dans une impasse. Tout avait été dit ; tout avait été fait.

Vers la fin des années 60, j'eu la chance de connaître quelques peintres américains qui reproduisaient une photo, quasi à l'identique à la peinture à l'huile, ou acrylique. En quelques semaines, j'avais trouvé le refuge, la sortie de cette impasse artistique dans laquelle je me trouvais. C'était le début du mouvement hyperréaliste, et je repris un immense plaisir à reprendre les pinceaux. La technique et seule la technique, débarrassée de l'idée même de création me redonnait la joie de peindre. Le défi était d'arriver à faire une reproduction presque parfaite d'une photo, en travaillant des jours, voire des semaines sur la toile.